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Latium affectent un ton beaucoup plus relevé, presque pompeux ; certaines notes y semblent faire écho aux triomphes de Pétrarque ; la naïveté des chants de l’Ombrie et du Picénum se complique déjà de subtilité ; cette subtilité se raffine encore plus dans les chants siciliens, où l’hyperbole passionnée atteint les exagérations orientales, tandis que la muse napolitaine court familière et babillarde ; le Piémont se concentre en de brefs récits dramatiques, rejoignant ainsi la Corse où le drame envahit en quelque sorte l’ode, où la mélopée des voceri n’est plus l’épanchement lyrique des âmes, mais une explosion tragique soutenue par les excitations d’un chœur, telle que les plaintes de Xerxès dans les Perses ou les emportements de Cassandre dans YAgamemnon. Venise a bien aussi son accent distinct et qu’on ne peut oublier, sa note de galanterie fantasque et de tenace tristesse, je ne sais quoi d’analogue à un carnaval qui serait mélancolique.

Heureuses diversités ! elles attestent la vie multiple de l’Italie. Elles attestent surtout des facultés poétiques que plus d’un bon esprit ne se serait pas attendu à rencontrer au delà des Alpes aussi larges et aussi abondantes. De la poésie italienne, telle que les lettrés nous la présentent, on eût conclu trop aisément au vide, à la prétention et à l’insuffisance du lyrisme populaire Tout au moins eût-on pressenti des improvisations faciles, telles que les jeux sonores de Sgricci. Je crois que de telles préventions seront dissipées par la lecture de ces poëmes, œuvres sincères de rapsodes inconnus, plus dignes de mémoire que les fastueux