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Funambules. Non ! l’Arlequin de Marivaux est tout simplement un brave garçon, pétillant d’esprit naturel, dévoué à son maître, très-sincère et très-épris, et destiné à faire de Lisette ou de Flaminia la plus heureuse des soubrettes. Remarquez le progrès des idées et la marche de l’esprit humain ; voyez la condition du serviteur adoucie, sa nature relevée par l’auteur comique. Vienne le XIXe siècle, et l’aptitude égale des âmes à la vertu, malgré l’inégalité des destinées, sera franchement affirmée par le poëte. Arlequin vaut mieux que Mascarille ; Marton vaut mieux que la Lisette de Regnard ; mais de Marton et d’Arlequin quelle distance à cette servante héroïque que Lamartine appellera Geneviève, à ce valet sublime que Victor Hugo nommera Ruy-Blas !

C’est vraiment un délicieux spectacle que nous a donné Marivaux : tant de gens de bien, de douces et de bonnes créatures, réunis par son art bienfaisant comme autant d’images attrayantes de l’honnêteté et de la vertu ; et cela sans fadeur ou sans emphase, sans intentions prêcheuses ou sans lâches complaisances ! Nous n’avons affaire ni à un Berquin, ni à un Bouilly. La pire de toutes les hypocrisies est l’hypocrisie littéraire, et Marivaux en était exempt. Il inventa, écrivit en toute sincérité, exprimant ses types d’après ses penchants, et choisissant dans la réalité selon les préfé rences de son esprit et de son cœur. Il était naturellement bon. De là l’impression générale qui résulte de toutes ses pièces, une impression douce et suave. Le parfum, disons mieux, l’âme de cette œuvre charmante,