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Tous semblent posséder le don ou le secret du bonheur. Tous, sauf quelques personnages ridicules, sont aussi sympathiques et aussi intéressants dans leur sphère que les convenances scéniques peuvent le permettre. Vous ne rencontrerez pas chez Marivaux de ces Gérontes avares, entêtés, grondeurs, images dérisoires de la vieillesse et de la paternité. A part une ou deux exceptions, les mères et les pères surtout nous apparaissent bienveillants, sensés, et surtout intelligents des goûts et des penchants du jeune âge. Leur expérience fait leur mansuétude. « O la douce chose, » dit Ménandre, « qu’un père jeune et d’un esprit indulgent ! » Ce vœu de Ménandre répond à merveille aux personnages de Marivaux. Jamais la vieillesse n’a été plus jeune dans le noble sens de ce mot. J’en atteste Mme Argante dans la Mère confidente, le marquis du Préjugé vaincu, et M. Orgon dans le Jeu de VAmour et du Hasard, natures achevées, excellentes : car la meilleure et la plus persuasive des sagesses, c’est la sagesse souriante.

Il n’est pas jusqu’à ses valets et à ses soubrettes qui n’attestent quelques-uns des beaux côtés de la nature humaine. Marivaux s’appliquait tellement à mettre le signe de l’idéal sur toutes ses créations qu’il en éliminait tous les objets disgracieux. L’action, presque toujours, se passe entre honnêtes gens. Nous voyons aujourd’hui l’excès contraire. La vérité n’est ni d’un côté ni de l’autre. Le grand jeu du monde est mêlé de bonnes et de mauvaises natures, et surtout de natures indifférentes ; cependant ne nous arrive-t-il pas de vivre