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sur l’écorce, afin que les passants puissent lire : « Ho « nore-moi selon le rite Dorien, je suis l’arbre d’Hé « lène ! « 

C’est le ton de l’élégie moderne, une élégie croisée d’idylle, l’élégie d’Alfred de Vigny, de Brizeux, à presque toutes les pages de Marie.

La troisième pièce (1) est d’une beauté plus sévère. C’est encore un tableau d’intérieur, mais cette fois comme enveloppé d’un paysage. Cette scène se passe sur le bord de la mer, à un de ces moments où on s’imagine une mer gémissante et assombrie. Au point du jour, deux pêcheurs sont assis sur l’algue sèche dans une frêle cabane. Autour d’eux, les roseaux, les hameçons, les lignes, les nasses, tous les instruments de leur métier et de leurs fatigues. L’un d’eux raconte à son compagnon, peu crédule, le rêve de la nuit, un rêve de richesse et de repos. Il a vu en songe un poisson d’or ; peut-être espère-t-il le retrouver à la prochaine pêche ? Mais son camarade rabat ses espérances, et d’un ton de raillerie attristée il lui dit : « Si, bien éveillé, tu cherches ici ce que t’ont promis tes rêves, que ce soient de vrais poissons de chair, de peur de mourir de faim avec tes songes d’or. » L’idée de cette pièce est belle, car elle repose sur le contraste de l’illusion fugitive et de l’irremédiable réalité. Ces deux vieillards nous attirent comme si nous les avions rencontrés sur les plages, tristes devant la tristesse des flots. Tant leur langage est vrai ; tant leur misère et

(1) Us Pêcheurs.