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à Capoue. Si Montesquieu a reproché à Tite-Live d’avoir trop semé de fleurs sur ce « colosse de l’antiquité », qu’eût fait le futur interprète des grâces frêles et naïves ? Où Tite-Live jette des fleurs, il ne pouvait jeter que des fleurettes.

Avec ces ébauches on aurait trop beau jeu. Sacrifions une dizaine de pièces ou médiocres ou mélangées, quelques autres incomplètes, mais par moments remarquables, ne nous y trompons pas. Encore dans ces compositions imparfaites trouverait-on toujours pour point de départ une idée, et souvent très-neuve et très-hardie. Rien de commun, rien de banal.

J’ai fait la part du feu. Restent une dizaine de pièces au moins que je crois, à des titres divers, dignes du Théâtre-Français ou de nos meilleures scènes de genre, dix pièces qui valent également par l’imprévu du sujet ou le charme infini des détails.

Plus grave et plus difficile à vaincre est le préjugé qui s’attache au style de Marivaux. Une expression consacre ce préjugé, le marivaudage. 11 est des mots d’une création regrettable et dont je plains les auteurs. Ils donnent au premier venu un esprit tout fait pour calomnier avec aplomb le talent, qui ne trouve que peu d’appui dans la malignité humaine. L’ignorance forcée où nous sommes presque tous, l’impossibilité de contrôler toutes les plaisanteries proverbiales par des enquêtes personnelles, nous fait accepter ces vilains et injustes mots qui courent sur la place, marivaudage, mignardise. Et c’est ainsi que l’on fait passer pour un peintre de chairs bouffies aux tons douteux celui