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Marivaux débutant sur cette scène comme le Prince Charmant des contes de fées.

Si j’ai quelque peu insisté sur cet épisode de notre histoire théâtrale, c’est que l’œuvre de notre héros s’y lie intimement. Marivaux, Comédie-Italienne, ces deux noms sont inséparables. C’est à la Comédie-Italienne qu’il doit ses premiers succès. Il lui a donné ses pièces les plus achevées. Il lui est surtout redevable de cette pleine liberté de composition qui lui a permis de créer son œuvre sans trop se soucier des règles et des traditions d’Aristote et de l’Académie, sans avoir des fers à ses pieds, des entraves à ses ailes. Installé dès l’abord au Théâtre-Français, il eût été amené à suivre les traces de Regnard ou les données sentimentales de Destouches. Sur la scène italienne, indépendant et pour le choix et pour la mise en œuvre de ses sujets, il put inventer un genre inconnu ; et quand, quelques années après, il se présenta au théâtre de Molière, ce ne fut pas suivi par la Routine, mais accompagné par la jeune, par l’agile, par l’étincelante Fantaisie !

A cette facile hospitalité de Lélio, Marivaux devait donc toute l’expansion de son originalité.

Mais cette originalité, en quoi consistait-elle ? En quoi notre poëte diffère-t-il de l’auteur de la Métromanie et de l’auteur du Glorieux ? Comment se distingue-t-il de Regnard et du grand maître Molière ? S’il ne peint pas les travers de l’esprit ou les vices du cœur, s’il ne multiplie pas comme en se jouant les saillies d’une gaieté en belle humeur ou les profondes méditations