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quand il revient franchement à cette vieille nature, mère de toute sève et de toute force, nourrice éternelle des Antées. Le poëte souverain reparaît tout entier, quand, à la fin de cette pièce si tourmentée de Senior est Junior, l’âme éloquente, emprisonnée dans ce demi-monde étroit, fait éruption et s’évade à grands battements d’aile à travers les candeurs du passé :

Buvez, riez ! moi, je m’obstine
Aux songes de l’amour ancien ;
Je sens en moi l’âme enfantine
D’Homère, vieux musicien.

Je vis aux champs ; j’aime et je rêve ;
Je suis bucolique et berger ;
Je dédie aux dents blanches d’Ève
Tous les pommiers de mon verger.

Je suis l’auditeur solitaire
Et j’écouie en moi, hors de moi,
Car je ne sais qui du mystère
Murmurant les je ne sais quoi !

O poëte, vous dites vrai ! car l’âme de Virgile palpite en vous, l’âme éprise de toutes les faiblesses et de toutes les souffrances ; et l’imagination, qui fait tenir dans votre prunelle toutes les formes et toutes les couleurs, est bien la seconde vue d’Homère, inaccessible à la vieillesse ; et d’Horace vous avez hérité la grâce fine et souriante qui tresse de si fraîches guirlandes à Phyllis ou à Lalagé !

Cette grâce sans alliage pseudo-parisien s’est épanchée