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deux chefs-d’œuvre une expression plus complète du génie italien. Les Géorgiques sont le poëme de la terre maternelle ; l’hymne attendri et filial dédié par une âme reconnaissante aux beautés visibles d’une région fortunée. VÉnéide n’est pas, quoiqu’on dise, une épopée de convention. —C’est le poëme fier et doux des antiques origines, la vieille Rome glorifiée comme la Grèce d’Homère dans ses grandeurs fabuleuses, l’héroïsme religieux et politique des Camille, des Fabius, des Paul-Émile personnifié dans la noble figure d’Énée, le courage presque fatal des Décius et des Scévola incarné dans Turnus, la gloire républicaine des siècles conquérants et législateurs exaltée à deux reprises dans la plus magnifique apothéose, l’Élysée plus large et plus lumineux que l’Hadès homérique, ouvert aux justes, digne de Caton, voilà l’Enéide ! et ce n’est rien encore. Il y a mieux dans toute l’œuvre virgilienne ; il y a la double nouveauté de la Tendresse et de la Mélancolie pénétrant à la fois dans l’art avec ce poëte qui fut surtout une âme. Jamais sensibilité plus prodigue ne s’était épanchée sur l’homme et sur le monde ; de Virgile date l’avénement de la pitié dans la poésie. Avant lui, qui avait chéri la nature, qui avait glorifié l’amour ? Lucrèce avait chanté aussi la nature, mais comme une puissance sombre et formidable. Virgile l’a fait aimer comme une mère au sourire éternel. Euripide avait affranchi l’amour des réserves de Sophocle et des interdictions d’Eschyle, mais pour le maudire comme un fléau fatal etcruel. Virgile 1 accepte dans son indulgence et dans sa pitié, et il le fait plaindre