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grand poëte que lui, mais non à un poëte dramatique. Dialogues épiques coupés par des odes, voilà les tragédies d’Eschyle. Celles de Sophocle ont trouvé pour la première fois une forme scénique, cette forme qu’ont plus ou moins adoptée tous les poètes dramatiques, même Victor Hugo.

Nous admettons à la rigueur que malgré son Alceste et son Hippolyte que Phèdre n’a pas égalé, malgré son rôle incontestable de novateur, Euripide soit écarté de ce sommet sacré où ne le placeraient ni la Beauté pure, ni le Sublime. On peut lui reprocher le petit nombre de ses chefs-d’œuvre, mais un tel grief tomberait devant l’homme qui fut à la fois l’Eschyle et le Sophocle de la Comédie, qui a marié le Sublime et la Beauté dans la combinaison la plus harmonieuse, devant cet Aristophane qui offre à la Matière Lysistrata et à l’Idéal les Oiseaux, et qui n’a besoin que d’un coup d’aile pour s’élancer de la réalité la plus bouffonne dans le surnaturel le plus aérien. Nous ne comprenons pas ces hésitations de M. Victor Hugo en face d’Aristophane. Autrefois dans la Préface de Cromwell, il lui déniait à peu près le génie en le comparant, à l’égard d’Homère, « à ces pygmées qu’emporte Hercule dans sa peau de lion. » Aujourd’hui il ne le diminue pas moins, tout en lui reconnaissant une singulière puissance comique. Il lui retranche la moitié de lui-même, ce génie lyrique à ailes déployées qui permet au grand Athénien de rejoindre Eschyle et Pindare. Par ce lyrisme, Aristophane se rattache à la vieille Ionie ; par cette puissance bouffonne il personnifie la Démocratie