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peut tirer un enseignement. Pourquoi ce génie italien incarné dans Rossini a-t-il péri, devait-il périr ? C’est que ce génie, malgré ses charmes et ses grâces, était celui d’un peuple esclave, indolent, sensuel, oublieux, merveilleusement conforme aux exigences des conquérants. O musique enivrante, mais enivrante comme un poison, tu versais le Léthé à cette race asservie, tu lui prodiguais le népenthès ! L’Italie a répudié ce génie de far niante et d’insouciance. Qui l’en blâmera ? Sera-ce vous ? C’est une réaction excessive, mais légitime ; elle a pu confondre avec ses vieilles habitudes serviles le complaisant enchanteur qui les flattait, sans faire aucun appel généreux à l’âme engourdie de ses concitoyens.

Alors l’Italie s’est tournée du côté de Verdi, car dans Verdi elle avait reconnu l’incarnation artistique de son génie nouveau, génie qui doit être mâle, fier et libre, sous peine de rechute dans les hontes du passé. Assez longtemps, comme son Renaud et son Roger, l’Italie s’était assoupie dans les jardins d’Armide et dans le palais d’Alcine ; elle a rompu cet ensorcellement dont Rossini se rendait un peu complice ; elle a écouté ce Miserere où vibraient son désespoir et son espérance, et sur la route que Verdi leur enseignait, elle a été jusqu’à Marsala, jusqu’à Solférino !

Voilà ce qu’en musique a fait la Volonté. Étendronsnous ce parallèle aux autres arts ? En nous bornant à la poésie contemporaine, la double destinée de Lamartine et de Victor Hugo nous démontrerait le triomphe de cette volonté inspirée, qui, des Odes et Ballades,