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de Calendal aux compagnons ; j’indiquerai un morceau vraiment remarquable, l’imprécation d’Estérelle contre Calendal, quand le jeune homme a abattu le bois de mélèzes. On peut en rapprocher la célèbre apostrophe de Ronsard au sujet de la forêt de Gasiine. L’avantage resterait au poëte moderne. Si l’ensemble laisse à désirer, le détail est presque irréprochable. Je ne parle pas de l’art infini avec lequel Mistral a fait revivre le vieil idiome provençal. La plupart des lecteurs auront recours à la traduction, et la traduction, ce qui est un éloge bien rare, ne fait presque rien perdre des beautés de l’original, beautés d’autant plus précieuses qu’elles sont toujours avouées par le goût et recommandées par la simplicité. Un poëte simple et ingénieux à la fois, rare spectacle qu’il faut demander à la Provence ! C’est le secret de la supériorité qui reste à Mistral, malgré tous les défauts qui délustrent son poëme. Mettons à part les cinq ou six maîtres du XIXe siècle. Trouverons-nous un autre poëte qui, dans une œuvre d’une telle étendue, ait pu soutenir ainsi la nouveauté et l’éclat des images, la noblesse des pensées, le développement d’un caractère ? Au bout de trois cents vers, les meilleurs seraient épuisés, car aucun n’a ce souffle, cette haleine, pour tout dire en un mot, cette inspiration. En vertu de cette qualité souveraine, nous pardonnons à Mistral beaucoup des défaillances et des lacunes de son poëme, , et nous reconnaissons avec un peu d’humilité que depuis longues années, à l’exception de quelques livres des maîtres, notre poésie française ne nous a pas donné une seule