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clairsemer dans ses œuvres suivantes et assurer désormais plus d’espace à cette poésie hiératique à laquelle il nous initiait.

Dans ce premier volume de Poëmes antiques, distingués par la critique et l’Académie, l’originalité se déployait déjà tout entière dans une série de pièces inspirées par les cultes de la Grèce et de l’Orient. Du christianisme, pas encore une strophe. L’auteur n’était pas évidemment arrivé à ce pieux scepticisme qui permet de toucher à toutes les reliques sacrées avec une enthousiaste indifférence. Il était alors visiblement prévenu contre le christianisme et trahissait encore une rancune polythéiste aussi guerrière que celle dont Fuerbach était animé contre le céleste Essénien.

Cette amertume, qui surprendrait moins chez un néo-païen comme M. Lamé ou M. L. Ménard, s’est surtout épanchée en lave brûlante dans la pièce intitulée : « Le Nazaréen. » Dans l’admirable poëme d’Hypathie, l’auteur indiquait aussi un parti-pris polythéiste. Nous ne regrettons pas que Leconte de Lisle ait renoncé à cette intervention personnelle dans son œuvre. Comparez le dernier volume aux volumes précédents, et vous verrez comme l’auteur, de plus en plus impersonnel et désintéressé, marche plus sûrement à son but magnifique. L’impression d’enthousiasme ou d’horreur ne se dégage pas moins de tel ou tel poëme ; seulement elle résulte harmonieusement de l’ensemble, au lieu d’être violemment arrachée par une prosopopée. Ce que l’auteur peut perdre en élo-