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ainsi à ses yeux épris de merveilles. Nouveau, c’était sans doute un monde bien étrange que la nostalgie créait en l’évoquant, mais toujours un monde meilleur où la poésie est reine. Quel est ce monde ? M. É. Montégut nous l’a fait souvent entrevoir : les délicatesses y fleuriraient, les fortes vertus s’y épanouiraient, l’héroïsme comme un grand chêne y couvrirait tout de son ombrage, et du sol rajeuni seraient arrachées comme de mauvaises herbes toutes les demi-vertus, toutes les lâchetés, toutes les bassesses et toutes les vulgarités du monde d’agioteurs et de parvenus où nous sommes condamnés à vivre. Tel était le rêve de Gœthe dans Wilhelm Meister, une société où toutes les forces récentes tournent à l’avantage du bien et du beau. Écoutons M. Montégut, qui, bien que moins confiant que Gœthe, ne désespère pas du monde qu’il pressent :

« Ne dis point que la poésie est morte, que l’art est mort. Rien n’est mort, tout fourmille. Les forces de la nature sont à l’état latent, et dans les profondeurs de l’âme humaine elles préparent en silence un printemps nouveau. Ayons bon courage, et au lieu de nous lamenter, de consumer notre énergie en plaintes coupables, que chacun de nous, par son intelligence, son amour de la vérité, sa volonté et sa puissance de sympathie, aide à l’éclosion de ce printemps. Alors, quand une fois nous aurons appris à être patients et laborieux, quand nous aurons confiance en nous-mêmes et dans l’âme divine qui soutient l’univers, quand nous serons tout amour et bonne volonté, nous serons à notre tour des magiciens et des artisans de miracles ; des roses