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inadmissible que dans ses vers des Rhapsodies. J’excepterais l’odelette à Jules Vabre, dont le début ne manque pas de crânerie ni l’allure de soudaineté. Mais je.défierais de citer dans ce recueil une seconde pièce qui vaille autrement que par quelques vers isolés. Or la poésie ne vit que par la perfection dont elle reçoit le sceau d’éternité. Que d’idées fugitives, de jeux de la pensée, de rêves charmants ont été consacrés à jamais dans les anthologies par l’excellence souveraine de la forme ! Borel, incapable de mettre à fin un poëme, une ode de longue haleine, ne peut même composer l’harmonieux arrangement d’un sonnet ou d’un rondeau, modeler la figurine ou intailler le camée, œuvres frêles et durables qui suffisent à la réputation d’un artiste. Cependant, pour quelques vers vraiment beaux, tels que :

La vie est une ronce aux pleurs épanouie !

pour l’ordonnance de l’ensemble et la hauteur de la conception, le prologue en vers de Mme Putiphar, écrit longtemps après les Rhapsodies, mériterait d’être conservé, en dépit des inégalités trop familières à Pétrus. Il y a là un brusque et notable progrès, dont le poëte n’a pas su et n’a pas pu tirer parti. Bien mélangée encore, la dernière pièce de Pétrus, la Léthargie de la muse, contient des strophes dont l’ampleur semble appartenir à de plus souples talents. Là encore, que de mots plaqués a pacage, pitance », que de brutalités stériles, que d’imperfections ! Pourtant, mettons ces deux poëmes à part dans l’œuvre lyrique de Borel ;