Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/13

Cette page n’a pas encore été corrigée

a mieux que de simples mortels. Qui lui as signerez-vous pour compagnons dans votre Olympe bien rétréci ? De notre temps, Lamartine, et par moments, George Sand. Je ne sais aucun autre grand esprit adonné à cette méthode de composition spontanée. La volonté réclame pour elle Gœthe, Châteaubriand, Ingres, Rude, Lamennais, Mérimée, Victor Hugo, A. de Vigny, Henri Heine, Th. Gautier, Balzac.

Cette liste est assez belle et pourrait s’augmenter encore, tandis que la vôtre ne peut s’accroître que de cinq ou six noms. Autant de chefs-d’œuvre et de génies dans notre siècle, autant de manifestations visibles et vivantes de la volonté ! Il est vrai que ces chefs-d’œuvre et ces génies trouveraient difficilement grâce devant vous. J’en appelle à votre définition, qui, précise sous sa forme poétique, est implacable :

Il faut appeler hommes de génie ceux-là seulement que nous reconnaissons pour appartenir à la race des dieux.

Une pareille formule rejette dans l’humanité, c’est-à-dire dans une foule passagère et vouée à l’oubli, tous les grands artistes dont l’inspiration n’a pas visité le berceau. A des facultés mystérieuses et comme impersonnelles, vous attachez la divinité. Libre à vous de la refuser au génie moins inconscient d’un Ingres ou d’un Meyerbeer. Vous n’empêcherez pas une procession fervente de s’éterniser là où ces hommes ont tracé leur route lumineuse ; vous ne leur ravirez pas ce culte incessant des générations, cette apothéose de toutes les heures, qui sontlesigneetla récompense des vrais dieux.