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grecs découvraient la poésie du devoir et l’amour dans le mariage. Avant que Phèdre portât la passion à son excès, qui est le délire ; avant qu’Ariane ouvrît le douloureux cortége des délaissées, la tendresse conjugale avait trouvé ses héroïnes. Un progrès immense s’accomplissait sur la Judée. M. Cénac-Moncaut* nous montre sans doute les femmes renfermées encore dans le gynécée, M. L. Martin nous dit, avec preuves à l’appui, qu’avec le mariage la femme ne faisait que changer de tuteur : sans doute ; mais la tutelle est préférable au despotisme, mais le gynécée vaut mieux que le harem. Dans le gynécée, la femme vit, la femme pense, la femme souffre ; elle n’est plus une prisonnière résignée. Nos exemples sont tous pris des poëtes, nous dira-t-on. Mais les grands poëtes font-ils autre chose que de prendre des exemples dans la vie qu’ils ont sous les yeux ; et, avec un certain agrandissement dans les proportions, n’est-ce pas la réalité qu’ils nous traduisent ? Au reste, la Bible étant un recueil de poëmes, nous devons supposer qu’elle n’eût pas oublié des Alceste et des Andromaque, si la Judée avait pu produire ces filles d’une civilisation plus épurée. La jalousie de Déjanire ne prouve-t-elle pas aussi une extension du rôle de la femme, un développement de l’amour dans le mariage. Si Déjanire avait été l’épouse juive, elle eût silencieusement supporté ce voisinage d’une rivale, ce partage qui la pousse à la tristesse, au délire, au crime. M. Cénac-Moncaut rapproche d’une Agar les esclaves que les vainqueurs joignaient à leur butin dans les temps homériques. Ces