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d’amour en composant l’hymne homérique à Vénus.

« L’immortelle a conçu dans son âme le doux désir de s’unir à un mortel. » Ce mortel est Anchise, beau comme un dieu. Vénus pour lui s’est parée comme une fiancée. Son péplum est plus rayonnant que le feu ; un collier bigarré orne son cou, et de toutes parts sur ses vêtements les boutons scintillent. « Comme une lune, tout autour de ses flancs elle jetait des éblouissements. » Anchise est saisi d’amour à sa vue, ému par son abord et par ses paroles. Et voici que s’é chappe de son cœur ce cri tout moderne, le premier cri de la passion : « Ni les dieux ni les hommes ne m’empêcheront de m’unir avec toi, quand même Apollon me percerait de ses traits qui font pousser bien des soupirs, quand même je devrais, après avoir partagé ta couche, descendre aux demeures souterraines d’Hadès ! » [\)

Peu de poëmes antiques font pénétrer en nous une impression plus profonde. La naïveté s’y mélange avec la tendresse d’une façon inattendue. La volupté y est innocente, traversée de soudaines ardeurs. La passion pour la première fois s’y trahit. Un souffle inconnu a passé sur la surface.du monde en même temps que sur les vallons de l’Ida. Cette heure d’amour, cet éclair d’infini ne se retrouve plus dans l’existence fabuleuse de Vénus. Au reste, serait-ce dans l’Olympe que nous aurions cru assister à cette aurore de

(1) Nous renvoyons a la belle analyse de ce morceau dans le Virgile de M. Sainte-Beuve.