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peuple, grouper les faits par lesquels s’est attestée cette domination mystérieuse, les ramener à des données générales et enrichir le trésor de la science de quelques lois de plus, ce serait une belle tâche pour un historien philosophe. Ce sujet n’a-t-il pas également une valeur religieuse ? L’apothéose de l’amour sousles formes les plus diverses, depuis la Vénus Uranie jusqu’à la prodigieuse Astarté, sa présence dans toutes les théogonies, les complications qu’elle y amène, les combinaisons par où le profane devenait le sacré : tout cela réclame une impartialité, une étendue d’esprit, un enthousiasme réfléchi qui ne se rencontre que chez un très-petit nombre d’écrivains. Chemin faisant, l’auteur d’une semblable histoire ne pourrait se dispenser de signaler la dette immense contractée envers l’amour par l’art qui, depuis deux mille ans, lui emprunte ces cris et ces sanglots dont tous les cœurs retentissent. Il se trouverait en présence des types les plus fiers et des poètes les plus augustes. Quels scrupules et quelles délicatesses de goût lui deviendraient nécessaires !

Cette histoire nous paraît indispensable. Mais l’historien manque, l’historien capable d’une tâche aussi complexe, c’est-à-dire un homme qui, même à un degré moindre, réunisse en lui les aptitudes diverses du philosophe, du critique, du lettré, du moraliste. En attendantce hasard de génie, quelques hommes d’un talent éprouvé ont ouvert des perspectives sur ce vaste sujet. A défaut d’un édifice qui sera construit, ils ont posé les pierres d’attente. L’amour, tel qu’il apparaît dans l’antiquité,