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de soi-même, excelle dans ces tardives décences. Elle rend hommage avec tact aux vertus de la jeune Antiphile. Puis, quand elle est installée chez Chrémès, commandant aux esclaves, ordonnant les banquets, gaspillant à pleines mains, la courtisane reparaît. Contraste habile et d’une vérité saisissante. Chez de telles femmes, ces lueurs de raison et de tendresse sont à la surface : la coquetterie, la gourmandise, l’oisiveté, la sécheresse habitent au plus profond de l’âme.

Le génie a fait défaut à Térence ; que lui reste-t-il ? Des qualités éminentes qui ne suffisent point pour rendre intéressante la lecture de ses comédies, des qualités de poëte et de moraliste. Ces qualités de poëte que M. de Belloy reproduit à merveille, nous les avons déjà énumérées. C’est le triomphe du style clair, limpide, élégant. Aucun poëte latin — sans en excepter Horace et Virgile — n’écrit une langue aussi pure. C’est le meilleur écrivain en vers qu’ait admiré Rome. Cette louange est grande ; mais elle ne suffit pas à rendre compte de l’attrait singulier qu’a exercé Térence sur des esprits supérieurs. Il y a en lui un moraliste des plus attentifs et des plus délicats, qui se révèle par des réflexions d’une gravité pénétrante, par des proverbes d’une rare profondeur, par des pensées qui partent d’une âme tendre et vraiment humaine. Mais là encore il n’est que le successeur de Ménandre. A-t-il consacré un progrès moral sur le poëte grec ? Nous ne pouvons l’admettre, car rien n’approche dans Térence de ces vers où paraît tout entière l’âme