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licencieuse d’un Afranius ne pouvait suppléer au génie absent. Mais ni l’un ni l’autre — tant l’originalité leur était chère — n’eussent applaudi à cet éternel rhabillage des pièces de la comédie nouvelle, que Plaute s’est fait pardonner par l’ascendant du génie, que Térence fait excuser par l’influence du talent.

Du talent, il y en a beaucoup dans Térence, mais rien de plus. Ce talent même est de ceux qui se trahissent dans l’ensemble d’une œuvre plutôt qu’ils n’éclatent par impétueuses saillies. Chacune de ses pièces nous laisse une agréable sensation, mais rien qui nous prenne fortement au cœur ou qui remue les profondeurs de notre pensée. Action, incidents, caractères, tirades, tout coule d’un flot égal, un peu lent, un peu monotone, mais qui ne manque ni de limpidité, ni de fraîcheur. L’invention, ce don royal du génie, ne lui a été dispensée que d’une main avare par la Muse qui veille aux berceaux des poëtes. Derrière ce timide novateur, comme des faunes malins à travers des échappées de feuillage, se montrent tour à tour Ménandre, Diphile, Apollodore, créanciers inspirés qui nous rappellent ses dettes envers leur génie. Et quelles dettes ! Térence leur est redevable de tous ses sujets. Aussi, je ne sais quoi de factice s’attache à cette littérature d’importation qui n’avait rien de commun avec le public dont elle convoitait les applaudissements. Que fai sait aux rudes compagnons de Scipion la perpétuelle aventure du marchand d’esclaves, de la courtisane corinthienne et du parasite athénien ? Toutes ces harpies