Page:Des Essarts - Le Monument de Molière, 1843.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 6 —

Leur sexe maintenant connaît mieux le devoir,
Et c’est de la vertu qu’il attend son pouvoir.
Il en est cependant qu’un triste orgueil enflamme :
Elles ont proclamé le règne de la femme,
Oubliant que Dieu fit, dans ses desseins secrets,
L’homme pour le combat, la femme pour la paix.
Fustigez sans pitié ces nouveaux ridicules
Qu’ont trop encouragés vos timides scrupules ;
Pour corriger l’époque en frondant ses travers
Il faut rendre à la Muse et la lyre et le vers.
Et bannir cette prose et ces images viles
Dont le roman s’inspire aux carrefours des villes.
Repoussez des tableaux remplis d’impureté,
Qui prouvent la licence et non la liberté ;
Puis, gardez-vous du Drame, écueil aussi funeste,
Que je hais pour ma part à l’égal de la peste.
Car depuis trop long-temps je vois avec douleur
Mille auteurs fanfarons de drames sans couleur
Ramasser, chaque jour, dans la fange des crimes
L’antithèse sans fin des traîtres, des victimes ;
Ou, fiers de ramener les siècles sur leurs pas,
Etaler un passé qu’ils ne comprennent pas ;
De poison et de sang les mains toutes souillées,
Remuer les débris des armures rouillées ;
Dans l’arsenal poudreux où les preux sont couchés
Chercher avec orgueil des poignards ébréchés ;
Et, comme des enfans, jouer à la bataille
Sous cet accoutrement qui sied mal à leur taille !
Fuyez le mauvais goût, les sauvages clameurs,
Et trempez votre plume à la source des mœurs.
Si l’Art ne trouvait plus d’éloquens interprètes,
S’il venait à mourir dans le cœur des poètes,
Je rougirais pour vous, en songeant au passé,
Sur le haut piédestal où vous m’avez placé !
Puissé-je tressaillir aux bravos qu’on vous donne
Et de mes vieux lauriers tresser votre couronne !
Prouvez qu’en votre temps l’austère Vérité
N’a pas laissé ternir son miroir redouté ;
Que des sots, des méchants, cette éternelle race,
Vous ne craindrez jamais l’insolente menace.
Dussiez vous succomber à moitié du chemin.
Victimes, comme moi, d’un effort surhumain,
Marchez à l’ennemi, combattez sans relâche,
Au succès seulement mesurez votre tâche…
Ainsi que des héros, grandissez en luttant ;
Votre cœur saura bien si le mien est content.
À ces conditions j’accepte vos hommages.
Mais j’en ai dit assez… Comme les longs ouvrages,
Les longs discours font peur, je me tais donc, adieu ! »

Tels furent les conseils que mon esprit en feu