Page:Des Érables - La guerre de Russie, aventures d'un soldat de la Grande Armée, c1896.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

“ Cette mort dont on nous menace
Sera le terme de nos maux ;
Quand nous verrons Dieu face à face
Sa main bénira nos travaux.

“ Les Bretons montrèrent l’exemple
De ce dévouement généreux ;
Que l’univers qui les contemple
En admirant dise d’eux :

“ Ils n’avaient qu’un temps à vivre
Ils le devaient à l’honneur,
Son drapeau qu’on les vit suivre
Les conduisit au vrai bonheur.

“ Après chaque couplet on répétait ce refrain :

“ Nous n’avons qu’un temps à vivre
Nous le devons à l’honneur,
C’est son drapeau qu’il faut suivre
Pour arriver au vrai bonheur. ”

“ L’ouvrier qui nous apportait toutes ces nouvelles et surtout un exemplaire de la fameuse chanson, fut bien écouté ce soir-là. On chanta même le « Ralliement, » au grand mécontentement de la vieille servante qui prêchait la neutralité.

Jusqu’à une heure très-avancée on ne parla que de la guerre, des républicains qui massacraient tous ceux qui tombaient en leur pouvoir, des Bretons et des Vendéens qui avaient au moins la consolation de défendre trois choses sacrées : leur foyer, leur roi et leur religion, et des malheurs qui allaient tomber sur la France, maintenant que la guerre civile venait d’éclater.

“ Tous les ouvriers présents dans la salle commune jurèrent de prendre les armes et d’aller se ranger sous le drapeau blanc, dès qu’on serait appel à leur dévouement.

“ Mon oncle, à son retour, confirma tout ce que nous avait appris le garçon de ferme : on se battait ; de jour en jour nous pouvions nous attendre à une guerre sanglante et générale.

“ Je ne vous ferai pas le récit de ces luttes terribles où les royalistes, tantôt vaincus, tantôt victorieux, mais toujours héroïques, firent des prodiges de valeur. Plus tard, quand la paix sera faite, historiens et romanciers raconteront tout cela et jusqu’à la fin des siècles on parlera avec étonnement de ces braves Bretons et de ces vaillants Vendéens qui surent donner jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour le trône et pour l’autel.

“ Un dimanche, vers l’heure du dîner, j’étais sorti pour puiser de l’eau à la fontaine.

“ Jugez de mon étonnement lorsque je vis, assis au pied d’un arbre, un officier républicain, blessé et mourant de fatigue. J’allais appeler les habi-