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france et progrès.

On a appelé Paris : Babylone, Byzance, Gomorrhe, souhaitant que tous les feux du ciel tombent sur lui.

Nos ennemis déclarent que nos revers ne sont que le châtiment mérité de notre médiocrité, de notre perversité et de nos méfaits. Les cléricaux considèrent nos malheurs comme la juste exécution d’un arrêt providentiel. Non content de nous accuser dans le présent, on va plus loin, on ose attaquer le caractère de notre race. On invoque le jugement de César sur les Gaulois, en le chargeant de beaucoup : peuple léger, superficiel, mobile, versatile, inapte à la concentration et à la fixité de l’esprit, conséquemment inhabile à poursuivre un dessein et à réaliser un projet. Un peu plus, et nous serions incapables de lier deux idées ensemble.

Comment donc se fait-il, alors, que des éléments ethniques si défectueux aient produit cet admirable épanouissement héroïque, philosophique, littéraire, scientifique, artistique, industriel, qui se nomme la société française ?

Sans partialité patriotique, sans engouement national, ne sommes-nous pas en droit d’affirmer que la France offre l’universalité des aptitudes comme l’universalité des produits ? L’intelligence française a brillé dans tous les genres ; dans quelques uns, elle n’a pas de rivales. Non seulement elle émet des idées qui lui sont propres, des idées originales, mais encore elle semble avoir pour mission d’élucider celles des autres. Dès qu’elle entre dans une question, elle y projette des clartés ; elle s’assimile si bien les conceptions étrangères, qu’elle les fait siennes en un instant.

L’Allemagne, à juste titre, se glorifie de Luther. Mais quels sont les générateurs de la réforme, sinon ces hardis penseurs du moyen âge dont le plus illustre et le plus intrépide, peut-être, est Abélard ? Il est