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dans l’humanité.

pouvoir n’a le droit de me l’imposer. De tous les actes, le sacrifice est le plus libre, et c’est parce qu’il est libre qu’il est d’autant admirable. Il peut arriver que je me dévoue pour un être que j’aime ; cet être est malheureux, souffrant, je cherche à adoucir son infortune en la partageant : je fais plus, s’il m’est possible, j’attire la calamité sur moi pour l’en préserver ; mais je n’ignore pas que cette personne qui m’est chère ne s’est point placée dans cette situation lamentable pour m’exploiter ; elle est elle-même victime involontaire ; tandis que moi, j’accomplis le sacrifice volontairement ; rien ne m’y oblige. Mais si, de parti pris, de sang-froid, après délibération, vous m’exploitez à votre profit ; si vous me dites, en m’indiquant deux places : en voici une bonne, elle est pour moi : celle-là est mauvaise, elle est pour vous, prenez-là donc. — Grand merci ! Je refuse. — Comment ! vous refusez ? mais pourtant vous êtes un ange ! — Ange vous-même !

On a cru se mettre d’accord avec l’équité en disant que l’homme a, en société, de plus grands devoirs à remplir que la femme, et qu’il était juste qu’il eût plus de droits ; qu’il ne fallait pas oublier que c’est lui qui soutient la famille et qui défend la patrie.

Dans le premier cas, on pourrait conclure que, par son travail, l’homme pourvoit entièrement aux besoins de sa femme et de ses enfants. Nous démontrerons que cette affirmation est absolument fausse.

La femme dans le prolétariat travaille autant que l’homme. Comme lui, elle lutte pour l’existence et avec tous les désavantages, puisque, à labeur égal et à égal mérite, elle reçoit un salaire infime ; ce qui la met le plus souvent dans la cruelle nécessité de se prostituer pour vivre.

Les travaux les plus dangereux ne lui sont pas épargnés. Nous la voyons dans les fabriques de pro-