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dans l’humanité

toutes ses variétés d’individus, de familles, de groupes et de nationalités traversant, dans de diverses conditions, les péripéties et les vicissitudes de l’existence, vous trouverez, pris sur nature, l’homme avec ses passions, ses vices, ses petitesses, mais aussi avec son génie et sa grandeur, son héroïsme ; quand il s’agit de la femme, il n’en est pas de même, la partialité commence, la convention l’emporte sur l’observation ; c’est un amoindrissement, un diminutif systématique du type. C’est une constatation facile à faire. Si une figure masculine appartenant à l’histoire est mise à la scène, on tend, à l’occasion, à l’élever encore, à l’idéaliser, elle est toute lumière quasi sans ombre. Si cette figure est féminine, on use du procédé contraire, ou abaisse et on rapetisse à dessein, perversité ou médiocrité ; comme nous l’avons déjà fait remarquer.

Les conséquences de cette violation de la vérité ont plus de portée qu’on ne le suppose. Il faut comprendre que le spectacle est, de tous les amusements, le plus recherché, le plus complet, le plus attrayant. Le roman, en comparaison, est relativement pâle, parce qu’en art le théâtre est la manifestation la plus impressionnante, étant la plus vivante, et que l’imagination et l’esprit n’ont pas à faire les frais qu’exige la simple narration, si bien écrite et si éloquente qu’elle soit ; les individus y sont en chair et en os, ils parlent et agissent devant vous, l’illusion de la réalité est complète, le talent des interprètes aidant. Et justement, c’est là où est le danger. Une impression profonde survit à la représentation et ce souvenir reste favorable au vice et défavorable à la vertu.

Pourquoi ? c’est qu’on ne la voit que frappée d’impuissance.

Lorsqu’elle triomphe à la scène, c’est par des cir-