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Froufrou, qui est un de nos récents succès, corrobore encore le jugement synthétique que j’ai porté sur le rôle de la femme dans le théâtre.

Ici, deux sœurs sont en présence : Froufrou, tête frivole toute au plaisir ; Louise, caractère raisonnable, mais intelligence médiocre, en somme. Les auteurs se sont donné le mot pour ne jamais produire une femme supérieure. Comme on doit s’y attendre, c’est la jeune évaporée qui a tous les succès au détriment de la jeune fille sérieuse. Tous les partis les plus avantageux se présentent pour la première et laissent de côté la seconde. C’est ainsi que Louise voit passer à sa sœur l’homme qu’elle aime et dont elle s’est crue aimée — ce qui prouve son peu de perspicacité, car l’amour ne se traduit pas par des paroles, il se décèle dans le regard ; et pour qu’une femme s’y méprenne, il faut qu’elle soit dénuée de tout esprit d’observation.

Mais, le fait accompli et introduite dans le jeune ménage, comment se fait-il que cette sœur raisonnable ne prévoie rien, ne prévienne rien, n’avertisse pas sa sœur brouillonne que ses frivolités lui aliènent le cœur de son mari ?

En vérité, le spectateur en est à soupçonner la droiture de Louise et à penser qu’elle ne serait pas fâchée de prendre la place de Froufrou ! Et, ce qui est certain, c’est que le dénouement justifie ce jugement. Mais, comme les dramaturges se piquent rarement de logique, les dénouements sont facultatifs et ne prouvent absolument rien. Seulement, ce dont on est sûr, c’est que Louise pas plus que Froufrou n’est un caractère.

Nous ne multiplierons pas les exemples et les citations, ils deviendraient superflus.

Le théâtre, il est bien entendu, doit être, sous la forme fictive, la reproduction de la vie réelle.

Or, si vous en faites le miroir de l’humanité avec