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dans l’humanité

usé d’un singulier procédé ; certes, il n’est pas à court de moyens, tant s’en faut ; mais, pour être original, il faut le croire, il a tenu à ce que son principal personnage n’eût d’esprit que dans les entr’actes. On va se récrier, mais je vais vous le démontrer.

Giboyer père, qu’on a déjà vu dans les Effrontés, tient alors le premier rôle. C’est, d’après ce qu’on nous en dit et ce qu’on prétend nous faire croire, un génie déclassé. Victime des vicissitudes de l’existence, il a été bohême, son langage s’en ressent, il est même souvent trivial. Quelques mots heureux çà et là ne constituent pas une capacité hors ligne. De telle sorte que nous pouvons résumer la pièce ainsi : le génie de Giboyer est dans un discours que nous n’avons pas entendu et dans un livre que nous ne lirons jamais. Ceci n’est qu’une parenthèse, je la ferme et je rentre dans mon sujet.

Paul Forestier qui date, je crois, de l’année dernière, produit à la rampe la femme-passion, non point la courtisane de métier, mais la mondaine bien posée dans le monde, jouissant de la considération ; nature ardente qui transige avec la vertu en catimini et entretient des relations intimes avec le peintre Paul Forestier. Le père de celui-ci, instruit de cette liaison[1], sachant que Mme de Clers est séparée de son mari et qu’il n’y a nul moyen de régulariser la situation, a recours à un stratagème qui, pour réussir, exige la complète niaiserie de celle auprès de qui on en use. Le père Forestier cherche donc à persuader à Mme de Clers qu’elle n’est pas aimée de son amant comme elle le croit. Celle-ci proteste, elle ne doute pas de la constance de Paul Forestier. Sur ce, le père Forestier la met au défi d’en faire l’épreuve. « Éloignez-vous de

  1. Il n’y avait pas alors le divorce.