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ève.

des divinités génératrices multipliant dans leurs représentations plastiques, à l’œil du croyant, les attributs de leurs facultés procréatrices. L’Amour est donc le grand attracteur et le grand producteur.

Ces tragédies nous font bien voir les produits de l’amour : Astyanax, fruit de l’union d’Hector et d’Andromaque, Eurysacès, rejeton d’Ajax et de Tecmesse ; mais elles ne nous font pas voir l’amour dans l’intensité de son expression.

Chez Hélène, chez Phèdre, il n’est plus qu’une calamité. L’amour ainsi dépeint semble dénué de toute liberté : la fatalité l’impose ; c’est ainsi que Phèdre déplore la passion qui la consume. Elle y voit le signe de la malédiction des dieux ou plutôt de la vengeance de Vénus. Il est vrai que l’Hippolyte, tel que nous le présente Euripide, est loin de justifier les transport dont il est l’objet. Dans les deux cas, les créatures qui en sont possédées sont deux femmes.

Il y a donc là affectation de la part des tragiques.

Achille, dans Iphigènie en Aulide, éprouve bien un sentiment de pitié pour la fille d’Agamemnon, vouée à l’holocauste par l’oracle de Calchas. Mais la jeunesse, la beauté de celle-ci ne font pas une impression plus vive sur son cœur. Est-ce à dire que la société grecque ne connaissait pas l’amour dans ce qu’il a d’idéal et de délicat ? Quelle erreur ! On a prétendu que l’amour physique et l’entraînement des sens avaient seuls prise sur les hommes. On n’a, pour rectifier ce jugement, qu’à lire quelques passages des poésies qu’adressait Alcée à Sapho.

Et tant d’autres poètes n’ont-ils pas chanté, avec toutes les grâces d’une plume exercée et l’exaltation d’un cœur fortement épris, les tendresses de l’amour ?

Cette omission volontaire d’un sentiment prédominant manifeste cette sourde rancune de l’homme humilié