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est l’objet. Quelques-unes, éblouies par un triste orgueil, limitent leur existence à la durée de leurs succès ; mais beaucoup d’autres, Dieu merci ! ne tardent pas à s’arrêter sur cette pente fatale, à l’âge où l’intelligence a pris toute son extension, où le jugement a acquis toute sa force, où l’idée s’agrandit et s’élève. Elles reconnaissent, en voyant plus froidement les choses, que le côté par lequel elles brillent est souvent le plus vulgaire et le plus mesquin, et, qu’à ce point de vue, la lutte engagée entre une jolie duchesse et sa femme de chambre pourrait parfaitement laisser l’avantage à cette dernière ; elles comprennent alors que leur rôle a assez d’analogie avec celui que jouent, dans une vitrine, des objets de prix, où l’œil du premier passant puise, choisit, rejette, suivant son goût et son caprice ; et enfin, que la gloire, dont elles sont si fières chaque jour, se rétrécit au lieu de s’étendre. Elles s’aperçoivent qu’il n’y a qu’une seule supériorité, celle de l’intelligence et celle du cœur, de laquelle on ne peut pas descendre quand on en atteint le degré le plus élevé. Voilà, monsieur, ce que pensent beaucoup de femmes, et vous, qui le niez, vous êtes injuste et absurde.

OCTAVE.

Le mot est dur, et je ne croyais pas le mériter. Le caprice, la frivolité, la coquetterie, sont sans doute des imperfections, par rapport à la nature des séraphins ; mais dans notre monde terrestre, c’est un assaisonnement de plus aux grâces naturelles des femmes.

ANTOINETTE.

Vous êtes bien bon ; mais il y aurait une anomalie singulière entre la nature de la femme et le rôle qu’on lui fait jouer. Tout le côté difficile de la vie lui échoit, vous ne le nierez pas, c’est le côté des devoirs, et il ne lui est certes pas ménagé. Vous autres qui la jugez si mal, vous lui confiez votre trésor