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grand homme de l’antiquité était de cet avis. D’ailleurs, l’amitié ne peut avoir rien de blessant pour l’amour-propre.

OCTAVE.

Pardon, madame, l’amitié est un sentiment secondaire par rapport à l’amour. Donc il humilie la femme qui en est l’objet.

ANTOINETTE.

Ce raisonnement aurait de la vraisemblance si la femme ressentait de l’amour pour celui à qui elle veut en inspirer. Croyez-vous qu’on puisse l’éprouver pour le premier venu ?

OCTAVE.

Remarquez bien, madame, qu’en cela il n’est pas question de ce qu’on éprouve, mais de ce qu’on veut faire éprouver. C’est une satisfaction de l’orgueil, et le cœur n’y entre pour rien.

ANTOINETTE.

Comme si l’hommage d’un sot pouvait être flatteur !

OCTAVE.

Les idoles veulent de l’encens. Donc que l’encensoir soit agité par la main d’un grand prêtre ou par celle de quelque comparse, le parfum qui s’en exhale n’est pas moins enivrant. Or, de toutes les idoles la femme n’est pas la moins exigeante sur ce chapitre.

ANTOINETTE.

Continuez, continuez, je vous répondrai après.

OCTAVE.

Et cela est si vrai, qu’il n’existe pas une seule femme qui supporte une heure seulement une conversation dans laquelle elle ne soit pas en jeu, si peu que ce soit.

ANTOINETTE, tirant sa montre.

Pardon, je vous arrête, voici une heure et demie que je la supporte, moi.