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rait sage de modifier les conditions de notre traité dès à présent ?

ANTOINETTE.

Pourquoi donc ?

OCTAVE.

La raison en est simple, madame. Dans l’antiquité ceux qui avaient partagé le pain et le sel se considéraient comme des amis, de nos jours c’est à peu près la même chose. Il nous serait vraiment difficile, après l’intimité qui règne toujours pendant un repas fait en commun, de retomber dans la froide réserve qui devait être la base de nos conventions et la règle de notre conduite.

ANTOINETTE.

D’accord ; mais notre indépendance en souffrira.

(Elle se met à table.)
OCTAVE.

Qui sait ?

ANTOINETTE.

Décidément, mon hôte, vous avez le service lent et maladroit. Dans quoi voulez-vous que nous buvions ? Prenez ces verres qui ne sont pas de Bohême, mais qui n’en feront pas moins notre affaire.

OCTAVE.

Excusez-moi, vous avez mes débuts, je n’ai jamais servi. (Il apporte les verres.) Est-ce tout ?

ANTOINETTE.

Oui, asseyez-vous, maintenant.

OCTAVE.

Je déclare que jamais appétit n’a été plus formidable que le mien, Pantagruel est dépassé ; permettez-moi de vous verser un peu de xérès ; une génération a passé, et la bouteille est restée debout.