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sur les hôtes de cette triste masure, qui au besoin m’eussent servi de domestiques ; mais il parait qu’ils ont jugé à propos de déserter.

ANTOINETTE.

C’était prudent. Ils ont évité par ce moyen le premier mouvement de colère légitimement causée par leur supercherie.

OCTAVE.

À propos de déjeuner, madame, à moins que vous ne soyez une fée, et qu’avec le secours d’une baguette magique un nain plus ou moins rabougri ne surgisse des entrailles de la terre pour vous servir, je ne sais pas trop comment…

ANTOINETTE.

Mon Dieu ! que votre embarras m’amuse ! Il me semble que la condition essentielle à celui qui veut fuir les hommes, c’est de savoir s’en passer, et vous en êtes réduit à invoquer leur aide au premier détail quotidien de la vie.

OCTAVE.

J’ai manqué, il est vrai, de prévoyance.

ANTOINETTE.

Moi, j’en ai eu pour deux, j’ai fait apporter cette petite valise fermée à clef, dans laquelle repose, bien coussiné, un pâté excellent.

OCTAVE, avec une mélancolie plaisante.

Un excellent pâté !

ANTOINETTE.

Oh ! ne prenez pas cet air mélancolique, mais réjouissez-vous, car je vous invite à en manger votre part.

OCTAVE.

Comment, madame, vous m’offrez à déjeuner ?

ANTOINETTE.

Pourquoi pas ? c’est donc bien étonnant, et vous me supposeriez la cruauté de déjeuner seule devant un affamé ?