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Petits Poèmes

Vous qui pleuriez, mélancolique au soir tombant :
toi qui sur ton épaule attachais un ruban
mauve ; toi qui jouais Manon et l’ouverture
de Tannhäuser ; toi qui riais dans ta voiture…
Ô passé plein de fleurs et de chardonnerets !
Rires ! passé léger ! joyeux passé ! regrets !
Mésanges ! accourez, mes lointaines pensées !
Ô souvenirs, rameaux flétris, branches cassées…





Ah ! j’aurais dû, ce soir, te dire tout cela,
feuilleter avec toi le livre que voilà,
et te montrer au loin ces figures d’argile,
et nous aurions frémi de sentir si fragile
cet amour qui s’éveille et frissonne au soleil
d’octobre, notre amour incassable et pareil,
hélas ! à ces jouets de treize sous ! — Qu’importe !
Entends-tu l’espérance ? Elle frappe à la porte.
Elle parle ; sa voix illumine ton cœur,
et son regard nous éblouit de sa candeur.
Sous le manteau de pourpre et la cuirasse triple,
cheveux au vent, partons pour le vaste périple.
Les merles se sont tus devant l’astre éclatant ;
et le navire aux voiles blanches nous attend
au port, prêt à cingler vers les îles lointaines
où le bonheur fleurit aux rives des fontaines.