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la verdure dorée

CXLIV


Les nuages légers comme une laine grise
Qui flottaient dans l’air frais frôlaient la lune rose,
Et sous les arbres noirs de ce beau crépuscule
Je baisais tristement ton visage tranquille,
Et les mains sur tes yeux je regardais la ferme
Qui fumait et voguait sur les flots de luzerne.

Image des départs vers d’autres aventures !
Cieux inconnus ; baisers nouveaux ; vieilles guitares.
Les trois ruches dormaient, mais des meules de paille
Les étoiles montaient comme un essaim d’abeilles
Ou comme d’une enclume un bouquet d’étincelles ;
Et notre amour n’était plus qu’ombre et feuilles sèches.

Pourquoi voulais-je fuir, déjà plein d’amertume
Et de regrets, moi qui t’aimais et moi qui t’aime,
Mais avide en mes bras de presser d’autres rêves,
Quoique assuré du vain voyage vers des rives
Vaines ? Le soir sentait la verdure et les pommes
Et tes cheveux se dénouaient sur tes épaules.

Le navire fleuri m’allait porter à l’île
Élue : arbres légers, eau lente, libellules.