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la verdure dorée

CXXXVII

À Jean-Louis Vaudoyer.


Chasseur morose, las durant la nuit sereine
De tirer sur la lune avec du petit plomb,
Ayant d’un réséda bouché mon vieux tromblon,
Je me veux promener sous une calme ombrelle.

Que d’autres au cœur neuf s’en aillent vers l’azur,
Que d’autres sur la mer tendent les larges voiles !
Je contemple mes tulipes et mes pivoines
Et les lents escargots qui rêvent sur le mur.

Naguère, je tremblais sous les étoiles blanches ;
Pour me mieux animer ma voix liait des mots,
Et d’un bras confiant je sciais les ormeaux
Pour prendre les oiseaux qui chantaient dans les branches.

Adieu, vieux jours. J’irai m’asseoir sur la hauteur,
Sifflant Guillaume Tell sous les jeunes troènes,
Pour voir l’Aube aux bras blancs, parure des poèmes,
Qui vide sur les prés son vaporisateur.

Et sans me lamenter sur ma lyre brisée,
Seul, je regarderai dans le trèfle, en bourrant
Ma pipe, les piverts qui boivent au torrent
Et les cailles qui vont pieds nus dans la rosée.