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la verdure dorée

LXX

À Henri Martineau.


Je vais songer à la jeune fille que j’ai
Peinte naguère au tome II de l’Abrégé
De mes Amours et dont la grâce était fleurie.
Cet abrégé n’est pas encore en librairie
Mais elle est dans mon cœur comme une rose dans
Un livre. Je souris, mais j’ai serré les dents
Avec un tel sanglot que j’ai fendu ma pipe
L’autre hiver. La douleur elle-même se fripe
Et plus rien ne demeure au fond de nous que des
Fleurs mortes. C’est enfin l’heure que j’attendais
Du calme intérieur et de l’ombre assagie ;
Et je puis maintenant allumer ma bougie
Pour feuilleter l’herbier poudreux du souvenir.
Mais j’entends les chevaux de l’aurore hennir !
Ah ! laisse le passé, bois mort et feuilles sèches.
Le soleil sur les toits lance de rouges flèches ;
Détourne tes regards des vierges d’autrefois ;
Leur visage pâlit comme la lune et vois
Bondir en secouant leur sauvage crinière
Les quatre étalons blancs cabrés dans la lumière.