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la verdure dorée

LXIII

À Stuart Merrill.


Terrible passion, voici que tu m’exiles ;
Et des flots inouïs viennent battre les îles,
Où je mène parmi le feuillage tremblant
Vers les sources d’azur le troupeau noir et blanc.
Car j’ai quitté les toits, les hommes, les musées,
Pour la mer et les prés où fument les rosées.
Ô livres du futur, ô chèvres, ô brebis,
Qui paissez sous le ciel étoilé de rubis,
Loin des cours où l’ennui tourne sa manivelle,
Imprégnez votre chair de cette herbe nouvelle
Afin qu’au jour affreux où je ne serai plus
Lorsque vous quitterez ces agrestes talus
Pour les jardins publics où le buis en bordure
Encadre les palmiers d’une maigre verdure
Et pour la ville amère où la foule aux tambours
Écorche le poète et pâme aux calembours,
Sur les trottoirs et dans les sombres avenues,
Poèmes, vous portiez des odeurs inconnues !
Alors, troupeau mordu des caniches galeux,
Encore émerveillé des paysages bleus,
Strophes, vous buterez, secouant vos clarines,
Des cornes et des pieds au cristal des vitrines ;