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perdu toute confiance. Des modifications importantes furent apportées à l’administration des villes et une part plus large y fut accordée aux petits[1].

Toute son habileté pourtant ne put empêcher des troubles sanglants : Il y avait rivalité dans les villes entre divers métiers. À Gand même, le 2 mai 1345, les foulons et les tisserands se livrèrent un violent combat sur le marché du Vendredi : cinq cents hommes perdirent la vie dans cette funeste journée du mauvais lundi[2]. — D’autre part, les grandes communes ne souffraient pas que les petites villes fabriquassent certains produits dont elles avaient obtenu le monopole par privilège. Ypres par exemple, défendit aux gens de Poperinghe de tisser du drap fin, et après de longues querelles, elle saccagea leur ville. Partout d’ailleurs les agents du comte provoquaient des troubles. Artevelde comprit qu’il fallait pour maintenir l’ordre une autorité supérieure à la sienne, celle d’un prince. Après de vains efforts pour amener Louis de Nevers à l’alliance anglaise, il résolut, dit-on de le faire remplacer par le prince de Galles[3], fils d’Edouard III. Il eut à ce sujet des conférences à l’Écluse avec le monarque anglais. Mais à Gand, ses ennemis l’accusèrent de trahison et répandirent le bruit qu’il avait livré le grand trésor de Flandre aux anglais. Quand il rentra dans la ville, Jacques Van Artevelde s’aperçut bientôt des dispositions hostiles des bourgeois. Ceux qui avaient coutume d’ôter leur chaperon à sa vue lui tournaient le dos ou rentraient dans leurs maisons. Il entendit même des gens crier : « Voilà celui qui est trop grand maître en le comté de Flandre, ce qui n’est pas à souffrir ! » Il se hâta de gagner son hôtel et fit barrer portes et fenêtres. Aussitôt, la rue se remplit de gens du menu peuple. Alors Van Artevelde se montre tête nue à une fenêtre. — Bonnes gens, dit-il, que vous faut-il ? Qui vous pousse ? En quelle manière ai-je pu vous courroucer ? — Nous voulons avoir compte du grand trésor de Flandres que vous avez détourné ! crie la foule ! — Certes, seigneurs, je n’ai rien pris au trésor de Flandre. Retirez-vous doucement, je vous en prie, et revenez demain matin, je vous satisferai. — Non, non ! nous le voulons

  1. van der Kindere : Siècle des Artevelde.
  2. Le quaden maandag.
  3. Tous les auteurs contemporains l’affirment. La question est très bien discutée dans van der Kindere : Siècle des Artevelde.