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3. Bataille de Groeninghe. — Les bourgeois aussitôt se mirent en état d’affronter la colère du roi de France. Celui-ci, en effet, rassembla immédiatement une magnifique armée de 60.000 hommes. Robert d’Artois, son frère, la conduisit en Flandre. Alors commença une affreuse dévastation. De Douai à Lille, les Français ne laissèrent debout ni un arbre ni une maison. Les enfants ni les femmes n’obtenaient grâce. Ils arrivèrent ainsi jusqu’à Courtrai où ils se trouvèrent en présence des Flamands. Gand avait refusé son aide aux Brugeois. Ceux-ci, au nombre de 20.000 environ, commandés par Guillaume de Juliers et leurs deux chefs intrépides, de Conynck et Breydel, occupaient une forte position à l’est de Courtrai. Ils avaient la Lys à dos ; leur droite était protégée par les fossés de Courtrai ; sur leur gauche et à quelque distance de leur front coulait un ruisseau, bordé de prairies marécageuses ; enfin ils s’étaient postés derrière un fossé profond.

Les archers italiens du roi de France commencèrent avantageusement l’action. Alors la brillante chevalerie de France, craignant que ces vilains ne remportent l’honneur de la journée, s’élance en avant foulant ses propres fantassins sous les pieds des chevaux. Les premiers cavaliers qui parvinrent au fossé ne pouvant le franchir s’y abattirent ; les suivants écrasèrent les premiers ; quand le fossé fut rempli, les autres, passant par dessus, chargèrent impétueusement les Flamands. Mais ceux-ci immobiles comme un mur, reçurent sans broncher ce choc furieux. Avec leurs lourdes piques, ils perçaient les chevaux et renversaient les chevaliers, qu’ils assommaient ensuite à grands coups de goedendags. Bientôt, s’ébranlant à leur tour, les Flamands prennent vigoureusement l’offensive, et refoulent les Français vers un marécage — le pré sanglant — où les chevaux s’embourbèrent. Le massacre y fut terrible ! Pas un cavalier n’échappa : les bourgeois, rendus furieux par le carnage, n’accordaient pas de quartier ! Robert d’Artois, Jacques de Châtillon, sept mille cavaliers, vingt mille fantassins, restèrent sur le champ de bataille.

Cette prodigieuse victoire de l’héroïque bourgeoisie sauva la liberté de la Flandre. On l’appelle la bataille des Éperons d’or, parce qu’on recueillit après le combat sept cents éperons dorés de chevaliers, qui furent suspendus, comme un glorieux trophée, à la voûte de Notre-Dame, à Courtrai.