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Alors suivant le conseil de Charles de Valois, frère de Philippe le Bel, il se rendit à Paris avec deux de ses fils et cinquante de ses plus nobles barons ; le vieillard s’agenouilla devant le spoliateur de ses biens et le ravisseur de sa fille. Mais celui-ci, impassible et dur, fit emprisonner le comte avec sa suite, et déclara la Flandre confisquée.

Peu de temps après, le roi vint visiter la Flandre avec sa femme Jeanne de Navarre. La noblesse flamande et la haute bourgeoisie, que le comte Gui avait mécontentées à maintes reprises, accueillirent le monarque avec des transports d’enthousiasme. Les Leliaerts[1] rivalisèrent de magnificence à tel point que Jeanne de Navarre en éprouva du dépit (voir p. 72). Jacques de Châtillon, l’oncle de cette princesse, fut nommé gouverneur de la Flandre.

2. Matines brugeoises. Orgueilleux, violent, cupide, Châtillon réussit en peu de temps à soulever contre lui une réprobation universelle. Il voulait conduire comme des serfs de France, nos fières populations flamandes ! Ses exigences en matière d’impôts provoquèrent du tumulte à Bruges. Mais le gouverneur réprima la sédition avec une impitoyable rigueur. Plusieurs bourgeois furent pendus. Nombre d’autres jugèrent prudent de s’exiler. Ces fugitifs mirent à leur tête Pierre de Coninck et Jean Breydel, le premier doyen des tisserands, déjà vieux, chétif, borgne, mais de bon conseil et doué d’une mâle éloquence : « C’était merveile de l’ouïr » ; le second, doyen des bouchers, dit-on, homme d’une vigueur et d’une audace extrêmes[2]. Apprenant que le gouverneur méditait de nouveau les plus sinistres desseins, ils résolurent, de les prévenir. Pendant la nuit du 18 mai 1302, ils pénétrèrent en silence dans la ville, s’éparpillèrent par petits groupes devant les maisons où logeaient les Français ; puis, soudain, au cri de « Flandre au lion ! Bouclier et ami ! ils enfoncèrent les portes et massacrèrent les étrangers ; quatre mille furent égorgés ! Châtillon presque seul put se sauver grâce à un seigneur flamand qui le cacha dans sa maison. Ce terrible épisode porte le nom de Matines brugeoises.

  1. Partisans du lis (lelie = lis). Les fleurs de lis formaient les anciennes armoiries de France.
  2. Breydel paraît appartenir à la légende plutôt qu’à l’histoire.