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Séduits par d’aussi brillantes promesses, les croisés firent voile vers Constantinople, malgré les protestations indignées du Souverain-Pontife (1203.)

Leur flotte, contournant les rivages célèbres de la Grèce, pénétra dans les Dardanelles et parut bientôt en vue de Constantinople. À l’aspect de cette cité merveilleuse, de ses palais, de ses dômes, de ses minarets, de ses flèches dorées qui étincelaient au soleil en nombre infini, de ses campagnes splendides, éblouissantes de lumière et baignées par une mer d’azur, les croisés furent saisis d’admiration et de crainte. « Sachez, dit le chroniqueur Villehardouin, qu’il n’y eut si hardi à qui le cœur ne frémit, et chacun regardait ses armes, dont il aurait bientôt besoin ».

Une magnifique année de 60.000 Grecs était rangée sur le rivage. Les croisés descendirent dans des barques, et quand ils furent près du bord, ils sautèrent dans l’eau et fondirent sur l’ennemi. Mais ces Grecs dégénérés, sans même essayer leurs armes, tournèrent le dos et coururent s’enfermer dans leurs murs. Le siège commença aussitôt. Dès le second jour, la ville était prise. L’usurpateur avait profité de la nuit pour s’enfuir avec ses trésors en Asie. Isaac l’Ange, tiré de sa prison, reprit la couronne et la pourpre ; il s’occupa immédiatement de satisfaire les croisés qui attendaient, campés en dehors des murs, l’exécution des promesses du prince Alexis.

Mais bientôt une nouvelle révolte éclata : Alexis est étranglé, son père lsaac étouffé, et Murzuphle se fait proclamer empereur. Les croisés résolurent de punir ces forfaits. Au printemps, le siège fut repris : les Vénitiens attaquèrent le port, et les croisés les remparts ; au bout de trois jours, les assiégeants s’emparaient de la ville. Alors les palais et les temples furent l’objet d’un pillage effréné ; les vainqueurs mirent la main sur tous les objets précieux, et détruisirent une infinité de chefs-d’œuvre qui ornaient cette capitale célèbre ; enfin, un immense incendie, dû peut-être à un accident, s’étendit sur une lieue carrée et consuma une grande partie de la ville. Les Flamands rapportèrent de là, dit-on, le dragon de cuivre qui surmonte encore aujourd’hui le beffroi de la ville de Gand.

Les croisés songèrent alors à organiser leur conquête. À l’unanimité, les douze chefs désignés comme électeurs décernèrent la pourpre au comte de Flandre, dont l’étendard avait flotté le premier sur les remparts de la ville,