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fédérés prenaient l’engagement solennel d’empêcher, par leur fortune et leur épée, l’établissement de l’inquisition espagnole dans les Pays-Bas. Le 3 avril 1566, trois cents d’entre eux firent leur entrée à Bruxelles, en appareil de guerre, ils se réunirent à l’hôtel de Culembourg ; puis ayant à leur tête Henri de Bréderode et Louis de Nassau, ils se rendirent en bon ordre au palais de la gouvernante. Dans une requête remise à la princesse, ils demandaient la suspension des édits contre les réformés et même la suppression des nouveaux évêques. Marguerite ne put cacher son inquiétude en voyant défiler devant elle cette élite d’une fière et illustre noblesse. Mais le comte de Berlaymont lui dit : « Ne craignez rien, Madame, ce ne sont que des gueux. » Le soir, un grand banquet réunit les confédérés à l’hôtel de Culembourg. Bréderode rapporta le propos de Berlaymont. Les nobles relevèrent ce terme de mépris, et s’en parèrent avec orgueil : « Soyons gueux, s’écrièrent-ils, pour le service du roi et la prospérité de la patrie ! » Désormais ils s’attachèrent au cou une médaille en or ou en argent, portant d’un côté l’effigie du roi avec ces mots : En tout fidèles au roi » et de l’autre un sac de mendiant tenu par deux mains entrelacées avec la fin de l’exergue : » Jusques à la besace ! »

Cependant la gouvernante avait promis son appui à la requête des nobles. Elle députa vers Philippe II, le marquis de Berghes et le comte de Montigny avec un projet de modération des édits. Les deux seigneurs furent retenus en Espagne. Le marquis de Berghes y mourut de mort naturelle, et son infortuné collègue enfermé dans la sombre tour de Sunancas, y subit secrètement l’affreux supplice de la garotte.

3. Excès des Iconoclastes. — Malheureusement des troubles regrettables désolèrent bientôt nos provinces. Des sectaires fanatiques animés d’un véritable délire de destruction, se mirent à saccager les églises et les monastères, aux environs de Menin et de Courtrai, puis au sein des villes elles-mêmes, à Tournay, à Ypres, à Gand et à Anvers. Dans cette dernière ville, l’église de Notre-Dame fut envahie par quelques centaines de misérables et cette magnifique cathédrale, toute remplie de chefs-d’œuvre et l’une des plus riches de la chrétienté, fut l’objet d’une affreuse dévastation. Rien n’y fut épargné : les tableaux des grands maîtres furent lacérés, et les statues brisées