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Au contraire, un air de bonhomie et de franchise, une affabilité calculée, avaient valu à Charles-Quint le pardon de sa rigueur excessive à l’égard des réformés ; et il est curieux d’observer que l’on toléra chez lui des actes qui furent amèrement reprochés à son fils. C’est que « la nation belge, inégale dans sa conduite envers ses princes, accordait tout à ceux dont elle se croyait aimée, et qu’elle affectionnait à son tour. Mais ceux qui ne lui inspiraient pas confiance, l’avaient toujours trouvée ombrageuse et indocile[1].

2. Prédominance de l’élément espagnol. — À cette défiance réciproque, qui sépara immédiatement les sujets et le prince, se joignirent bientôt des griefs précis. L’aristocratie belge avait joué sous Charles-Quint un rôle brillant : elle avait occupé avec honneur les plus hautes dignités de l’empire ; beaucoup de seigneurs s’étaient même ruinés au service de l’empereur. Cette situation changea radicalement sous Philippe II. Il s’entoura de conseillers et de courtisans espagnols, et les introduisit partout dans les emplois. Granvelle, le vrai chef du gouvernement des Pays-Bas, était un étranger. Ce célèbre cardinal était doué d’un rare mérite sans doute, mais une incurable vanité déparait ses talents. Il se plaisait à étaler une magnificence extravagante, qui humiliait la noblesse endettée, et il réussit à soulever contre lui une tempête formidable.

Le roi eut le grand tort, d’un autre côté de loger dans nos forteresses 4.000 vétérans espagnols. Les Pays-Bas étaient-ils donc pays conquis ? On l’eut pu croire en voyant ces mercenaires se livrer impunément à la maraude, à la rapine, et provoquer contre eux les plus vives récriminations. Aussi, en 1559, quand Philippe II partant pour l’Espagne fit à Gand ses adieux aux États généraux, des réclamations s’élevèrent. Les députés sollicitèrent du roi le renvoi des soldats espagnols et l’attribution des emplois aux nationaux. Philippe II irrité s’écria, dit-on : « Et moi, ne voudra-t-on pas aussi me chasser du pays comme étranger ? » Il en conserva un vif ressentiment contre le prince d’Orange, qu’il supposait être l’inspirateur de ces demandes, et il lui fit d’amers reproches à Flessingue, au moment de s’embarquer. Le prince rejeta la faute sur les États, mais Phi-

  1. Moke.