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velours, sa chapelle ornée de statues d’or et d’argent, tout tomba entre leurs mains (mars 1476).

Cependant, le duc, accablé d’abord par le désespoir et la honte, rassembla bientôt une nouvelle et belle armée, avec laquelle il s’avança jusqu’à Morat : il y éprouva une seconde défaite, plus désastreuse que la première. Des ossements blanchis de ses soldats, les Suisses firent plus tard une pyramide appelée l’Ossuaire des Bourguignons.

Cette fois, le Téméraire était perdu ! Sa puissance avait reçu le coup de grâce. Au bruit effroyable de ces revers, la Lorraine se souleva, et René rentra en triomphe dans sa capitale. Charles, égaré par une aveugle fureur, courut l’y assiéger, au cœur de l’hiver, avec le reste de ses troupes. Ses fidèles officiers le supplièrent en vain de rentrer en Luxembourg pour y attendre le retour du printemps : il fut inflexible ; et pourtant la situation de son armée était affreuse : elle était décimée par le froid, par la faim, et par les sorties audacieuses des assiégés. Bientôt 20.000 Suisses arrivèrent au secours de la ville, car René avait combattu avec eux à Granson et à Morat. Bien que ses adversaires fussent quatre fois supérieurs en nombre, le Téméraire décida qu’on leur livrerait bataille. Comme il se coiffait de son casque, le lion d’or qui en formait le cimier se détacha : « Voilà le signe de Dieu », dit-il tristement. S’élançant alors, sur son cheval noir, au plus épais de la mêlée, il périt avec la plupart des siens. Ce fut seulement deux jours plus tard qu’on retrouva son corps, à demi dévoré par les loups et les chiens, sur la glace d’un étang : sa tête portait une énorme blessure de l’oreille à la bouche (5 janvier 1477).

Des funérailles solennelles furent célébrées à Nancy. En 1550, Charles-Quint fit transférer ses cendres à Bruges, où elles reposent dans un magnifique mausolée de marbre et d’or, à côté de celles de sa fille Marie de Bourgogne.

1. Projet de monarchie. — Charles le Téméraire, confiant dans ses immenses ressources, résolut de rétablir l’ancien royaume de Lotharingie, en réunissant la Bourgogne aux riches provinces des Pays-Bas.

Il obtint l’Alsace en engagère en 1468, et acheta la Gueldre en 1472.