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Il a prêté à beaucoup d’avis contraires et de sentiments dissemblables. On ne sait pas toujours par où le prendre et comment le définir. Il échappe, il se dérobe, il parle peu ; et, quand on se permet de l’interroger, il aime fort à ne pas répondre, ou bien il répond par un de ces coups de boutoir qui coupent net la conversation.

Il tient son monde à distance : dans un temps prodigue en embrassades et poignées de main, il enfonce volontiers ses mains dans ses poches. Il a cet art très politique de savoir faire régner autour de sa personne une sorte de zone militaire qu’il est donné à peu d’amis de franchir. On ne s’aventure pas sans quelque appréhension à travers ces glacis déserts et dénudés, qui semblent aboutir à un large fossé, borné lui-même par un mur d’enceinte muet et abrupt. C’est dans l’intérieur de ce cercle un peu étroit et méthodiquement fermé que se tient l’homme. Quand on a le courage et la chance d’arriver jusqu’à lui, on le trouve d’une profonde et réelle bonté, d’un cœur chaud et d’une sûreté à toute épreuve ; mais il faut y arriver, et ce n’est pas commode.

Adorateur passionné de Paris et du boulevard