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est tombée. Tout à côté était la sombre maison habitée par M. le procureur général Mangin, qui avait requis la mort contre le général Berton et ses coaccusés. » En dépit de ces souvenirs, « la pauvre petite place du Pilori était presque gaie. On y était comme à la campagne. Le soir et le matin, les bons bourgeois s’y promenaient en robe de chambre, le long d’une belle allée de tilleuls… Les élèves de l’école mutuelle, à la sortie de la classe, traversaient bruyamment la place, se poussant, se bousculant et poussant des cris sauvages qui me remplissaient d’admiration. Un jour j’assistai à une belle bataille. Les élèves de l’école, les mutuels, comme on les appelait, s’étaient pris de querelle avec leurs voisins, les jeunes disciples des frères ignorantins. On s’était donné rendez-vous sur la place et les pierres volaient, que c’était un plaisir. Moi, qui avais l’horreur instinctive de la soutane, j’avais pris sans hésiter parti pour l’école laïque. » C’est ainsi que M. Ranc débuta dans la vie, sous l’œil sévère d’un père qui, matin et soir, piochait des dossiers dans son cabinet, à côté d’un vieux prêtre de la Révolution, qui avait quitté la soutane, puis l’avait reprise au Concordat, toujours révolu-