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sculpteur dans sa statue. Les œuvres qu’ils pourront créer dans la suite, mauvaises ou bonnes, ne modifieront pas le sens et la valeur de celles qu’on leur doit déjà. Ce que l’artiste a fait une fois est désormais irrévocable : toute la portion de son existence et de son esprit qui est là, dans ce marbre, sur cette toile, dans ces vers, a été fixée pour toujours : on peut l’aborder sûrement, elle ne changera plus. Va, sans appréhension, critique, historien, biographe, tu ne seras pas trahi par ton sujet.

Tout autre est le sort de celui qui a voulu retracer la vie d’un homme politique avant que sa vie soit terminée. Qu’il tremble, qu’il pâlisse sur son ouvrage, s’il tient à n’être pas pris en défaut ! Il n’y a rien de définitif chez l’homme politique tant qu’il peut faillir et se tromper, c’est-à-dire aussi longtemps qu’il est en vie. Le critique est exposé ici à toutes les trahisons des hommes et des choses. Non seulement le sujet qu’il a choisi, et sur lequel il a dirigé son étude, varie de moment en moment, mais tout varie autour de son sujet, les événements, les personnes, les situations et la fortune. Les perspectives se déplacent sans cesse. Les passions publiques et privées accou-