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charme. Sa pensée s’infiltre et se répand dans l’auditoire mêlé qui l’écoute, fait tout doucement le tour des esprits, détache celui-ci, puis celui-là, désagrège les groupes qui se tenaient d’abord sur la défensive et en emporte dans son cours tranquille les molécules insensiblement séparées. Peu à peu, l’assemblée s’abandonne à son influence, tout va à la dérive et le suit : les bords sont riants et l’onde est si pure ! Mais au bout il y a des gouffres et des abîmes. Le fond si uni recèle de terribles surprises. Tout d’un coup on s’envase, on est perdu. Chez M. Thiers, le fond était d’une solidité à toute épreuve. On pouvait y bâtir, y jeter des ponts et faire rouler des canons dessus.

Dans quelque situation de sa vie que l’on prenne M. de Freycinet, n’importe où on le touche, sous les formes délicates et fermes, on sent un point douteux, inquiétant, qui tient en échec le diagnostic le plus sûr, une sorte de vide, de lacune qui fait rêver. De là les perplexités du critique qui a l’horreur des apologies et le dégoût des pamphlets. Il ne trouve jamais que son trait soit assez fin et délié pour suivre les méandres de ces veines qui se dérobent et de ces muscles qui s’effacent. Est-ce