Page:Denne-Baron - Poésies diverses, 1805.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 5 )

Notre Circassienne, en femme complaisante,
Baisse son masque. Alors sa mère extravagante
À leurs doux entretiens prête un œil complaisant,
S’approche d’eux, et dit d’un ton fin et dolent :
« Beau masque, je vous crois un homme trop honnête
Pour vouloir à Nina mettre l’amour en tête.
Laissez donc cette enfant ; car vraiment en ces lieux
Le méchant pourrait bien se moquer de tous deux.
Chez moi venez demain, et là, ne vous déplaise,
Vous pourrez sans témoins lui parler à votre aise.
— J’accepte avec ardeur cet excès de bonté :
Oui, madame, j’irai rendre à votre beauté
L’hommage qu’autrefois à la reine des Graces
Prodiguaient les Amours voltigeant sur ses traces. »

Un bruit soudain s’élève, et dans le même instant
Je détourne la tête, et vois un impudent
Qui, plein d’un sot orgueil, insultait une femme.
« Que m’importe, dit-il, que tu sois grande dame ;
Je ne te connais plus, ni ne prétends savoir
Si ce costume cache un teint vermeil ou noir.
— Sais-tu, jeune insensé, dit la dame en colère,
Ce que je fus jadis, et ce que fut ton père ?
Et que cette faveur, reçue insolemment,
Il l’aurait demandée avec empressement ?
Ne te pare donc point d’une fierté stérile :
Souviens-toi que jadis tu cherchais un asile,
Et que mon cœur humain, sensible à tes malheurs,
Ému par la pitié, soulagea tes douleurs ;
Je te tendis bientôt une main secourable :
Mais tout est effacé dans ton ame coupable,
Et la reconnaissance a fui loin de ton cœur.
Tu n’es plus aujourd’hui qu’un vil usurpateur
Qui, sans cesse vantant sa fragile richesse,