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C’est ouvrir à ma muse une immense carrière.
Qui poussa tout un peuple aux fureurs de la guerre ?
Et qui força la paix de fuir loin des humains ?
La jalouse Fortune, et le bras des Destins
Qui veut que rien de grand ne soit long-tems durable,
Des états trop puissans la chûte inévitable,
Et Rome succombant au poids de sa grandeur.

Tel sur le monde usé, quand le tems destructeur
Sera las de rouler d’innombrables années,
Dans le sein du chaos les sphères entraînées,
Se heurtant dans leur chûte, ébranleront les airs,
Les astres s’éteindront dans l’abyme des mers ;
L’Océan, révolté de ses rives profondes,
Hors du lit qu’il creusa repoussera ses ondes,
Et l’Olympe verra par de nouveaux sentiers
S’égarer du Soleil les célestes coursiers.
Quand Phébé, s’indignant de sa route ordinaire,
Voudra guider le jour sur le char de son frère,
Alors du globe ému les longs ébranlemens
Détruiront sans retour les lois des élémens :
L’excessive grandeur s’écroule d’elle-même.
C’est ainsi que des dieux la volonté suprême
Prescrit enfin un terme à nos prospérités.
Souveraine des mers, ô reine des cités,
La Fortune à toi seule a confié sa haine :
Rome, c’est par tes mains qu’elle a forgé ta chaîne.
C’est en vain qu’aux tyrans tes peuples sont soumis ;
Des parjures traités les dieux sont ennemis.
Ô chefs ambitieux, quelle aveugle furie
Vous force à cimenter une concorde impie ?
Que vous sert de mêler vos soldats et vos coups,
Et de tenir le monde incertain entre vous ?